يا والّله ورطة
Quel traquenard ! Moi, originaire des confins les plus reculés du pays, moi, الآفاقي, le rural, le campagnard, j’ai à introduire le livre de qui ? De Rabâa. Quel nom déjà ! Un nom venu des profondeurs de l’histoire et de la poésie. Rabâa Ben Achour, médinoise parmi les médinoises, (je le dis sciemment : médinoise et non pas citadine ou bourgeoise) et branche parmi les branches parfumées, الأغصان الفيحاء ,d’un arbre généalogique dont les racines pourraient nous ramener au prophète lui-même. Pas moins ! Et où se passe la présentation ? Au Havre. Pardon ! A la Marsa, mes ami(e)s !
Bon trêve d’espiègleries ! Je commence la présentation.
Mais, as-tu remarqué Rabâa que je pique déjà tes mots ? « Espiègle » figure sur la quatrième de couverture de ton roman et sur le message que tu m’as envoyé, il y a deux jours !
Dois-je vraiment présenter Quelques jours de la vie d’un couple, en mentionnant qu’il s’agit d’un roman de 232 pages, de taille moyenne, publié par Sud Editions, à Tunis, en 2019 ?
Je n’avais aucune envie de le faire ainsi. Ce n’est pas mon genre à moi. Mais voilà, je l’ai tout de même fait !
Rabâa Ben Achour-Abdelkéfi -comme ça me plaît de dire ton nom !- Rabâa, je suis persuadé de l’avoir rencontrée tout d’abord sur les remparts, j’ai failli dire, en pensant aux marches et manifestations du centre ville dont celles qui étaient vraiment dangereuses, souvent en couple d’ailleurs et toujours souriant à l’espoir.
C’est cependant, à Borj Louzir, que j’ai rencontré Rabâa. Borj Louzir, son roman paru en 2011, qui m’a fait connaître ce qu’était la vie intime d’une famille bourgeoise bien ancrée dans le et toujours proche du pouvoir, mais en en prenant de temps à autre, et pour bien des aspects quelque distance.
Borj Louzir m’a surtout rappelé qu’un enfant est toujours un enfant, quel que soit son milieu, son mode de vie ou ses souciset que tous les enfants du monde se partagent tant de choses.
Rabâa, avec son Borj Louzirm’a incité à croire que notre enfance ne s’éteint jamais et qu’au contraire elle nous habite et rejaillit en nous tous les jours.
Par la suite, j’ai rencontré Rabâa autour d’un rêve, un rêve qui persiste mais qui peine à se cristalliser, pour ne pas dire qui semble s’estomper : le rêve de créer avec tant d’autres, beaucoup d’autres, des jeunes des femmes surtout, une mouvance, une voie, qui redefinirait la révolution et réinventerait la Tunisie.
C’est ainsi que l’ai eu l’honneur de rédiger la plate-forme de Destournaet l’insigne honneur de la voir traduire de l’arabe vers le français par Rabâa elle-même.
Puis est venu Ghandi avait raison. Rabâa en pleine jeunesse, le Tunis et le Paris des années glorieuses. Hein ? N’est-ce pas ainsi que vous qualifiez ces temps-là, vous mes ami(e)s soixante-huitards ?
Entretemps, il y a eu entre nous quelques échanges. Mais quelle émotion de voir Rabâa débarquer à Médenine pour soutenir Lina Ben Mhenni et de savoir qu’elle a fait le déplacement ( le retour aussi) en car !
J’en viens maintenant à notre nouveau-né, celui de Rabâa, je veux dire, même en sachant que Abbès y est pour quelque chose.
Ce roman, je l’ai vu, ou plutôt senti naître, un tant soit peu.
En effet, j’ai eu le privilège de bosser avec Rabâa sur le catalogue et les illustrations de l’exposition Before the 14th, instant tunisienet combien de fois, alors qu’on était concentrés sur la tâche et qu’elle continuait à innover, combien de fois ne l’ai-je entendue s’interroger en douceur mais inquiète : « Et mon roman, quand est-ce que je vais trouver le temps pour le finir ? »
Et puis, à chaque pause, j’entendais Rabâa débarrasser « la vie de couple » de ses Ghandiet Borj Louzir.
Au fait, ne s’agit-il pas là, au moins d’une certaine manière d’une véritable trilogiequi raconte une saga avec aventures et mésaventures, heurs et malheurs, amours et désamours, honnêteté et malhonnêteté. Que diriez-vous, mes amis, si l’on inversait pour dire : mésaventures et aventures, malheurs et heurs, désamours et amours, malhonnêteté et honnêteté ? N’est-ce pas mieux ?
J’entends encore Rabâa me soufller « et reflux et flux de la révolution ». Car Rabâa et moi, nous croyons encore que la Tunisie vit effectivement une révolution. N’est-ce pas Rabâa ?
Une trilogie, une œuvre à trois temps, mais qui ne s’arrête pas là et qui nous raconte tous et toutes, Rabâa, vous, moi, nous tous. De ma part, je le crois.
Avant de céder la parole à notre charmante auteure, et tout en vous présentant mes excuses pour avoir indûment abusé de votre temps, permettez-moi juste de vous dire que les « jours » dont il s’agit sont bien nos jours à tous, qua la vie d’un couple est la mienne, celle de Rabâa, la vôtre, celle de tous. La et les joies aussi.
Je ne vous en dirai pas plus.
Lisez le roman. Et que vive la révolution ! La révolution qui nous réunit.
Pour finir juste un message personnel pour Rabâa.
Mina ta salue, regrette de ne pas pouvoir être parmi nous et te prie de nous éclairer : Comment tu t’organises pour faire tout ce que tu fais à la fois ?